En 2016-2017, une évaluation des risques écologiques posés par la carpe de roseau dans le bassin des Grands Lacs a été menée sous la direction de Pêches et Océans Canada, afin de déterminer l’ampleur des risques posés par cette espèce et fournir des conseils utiles et scientifiquement fondés sur la prévention, la surveillance et la détection précoce, ainsi que pour présenter des mesures potentielles de gestion aux gestionnaires et aux décideurs, au Canada comme aux États-Unis. Cette évaluation des risques visait les carpes de roseau diploïdes et triploïdes. On a évalué la probabilité d’occurrence (probabilité de l’arrivée, de la survie et de la propagation) de la carpe de roseau triploïde, la probabilité d’introduction (probabilité de l’arrivée, de la survie, de l’établissement et de la propagation) de la carpe de roseau diploïde, ainsi que l’ampleur potentielle des conséquences écologiques. La présente page Web résume les résultats de l’évaluation du risque. Lire l’Évaluation des risques écologiques posés par la carpe de roseau complète et la mise à jour à l’Évaluation des risques écologiques posés par la carpe de roseau.

Grass Carp

La carpe de roseau (Ctenopharyngodon Idella) est une espèce originaire des fleuves de l’Est de l’Asie vivant dans un climat de subtropical à tempéré. Elle se nourrit principalement de végétation aquatique, mais aussi d’algues filamenteuses et de macrophytes terrestres et aquatiques, d’invertébrés et de petits poissons. La carpe de roseau a été apportée en Amérique du Nord en 1963 dans le cadre d’une initiative de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, du US Fish and Wildlife Service et de l’Université Auburn afin de lutter contre la végétation aquatique par des moyens biotiques. L’espèce a frayé avec succès, et l’on pense que des jeunes se seraient enfuis des enclos expérimentaux.

ARRIVÉE

La carpe de roseau est arrivée dans les lacs Michigan, Érié et Ontario. L’arrivée dans un lac est définie comme le signalement répété d’au moins une carpe de roseau dans au moins une partie du bassin du lac, durant une période continue de cinq ans.

Trois vecteurs potentiels d’entrée dans les bassins des Grands Lacs ont été déterminés et évalués : par connexion physique, rejet lié aux activités humaines et par des eaux de ballast de cargos hors mer. Dans le cas du lac Érié, on ignore encore si l’arrivée de la carpe de roseau diploïde a eu lieu par les vecteurs et voies d’entrée ci-dessus, ou si elle s’est propagée à partir d’un autre Grand Lac. La possession, l’importation, la propagation, le stockage, la vente et le transport de la carpe de roseau diploïde ou triploïde sont interdits au Michigan, au Minnesota, en Ontario et au Wisconsin. La carpe de roseau triploïde est autorisée dans les États de l’Illinois, de l’Indiana, de l’Ohio, de New York et de la Pennsylvanie. La possession de carpes de roseau diploïdes est permise en Iowa et au Missouri, ces États bordant au moins un des États des Grands Lacs (voir la figure 1). La réglementation et sa mise en application efficace joueront un rôle déterminant sur la probabilité d’arrivée.

Figure 1. Règlements d’État sur la carpe de roseau (source : Mississippi Interstate Cooperative Resource Association, 2015)
Supérieur Michigan Huron Érié Ontario
Arrivée de diploïdes Faible Très probable Faible Moyen Faible
Arrivée de triploïdes Faible Très probable Faible Très probable Faible

 

Tableau 1. Probabilité globale d’arrivée dans chacun des lacs pour les carpes de roseau diploïdes et triploïdes, 50 ans à partir de la situation de départ (c.-à-d. en 2014). L’arrivée globale représente toutes les arrivées par les connexions physiques, les ballasts des cargos hors mer et l’introduction liée aux activités humaines.

SURVIE

La survie est définie comme la capacité des individus à ne pas mourir à leur arrivée, et pour les adultes à survivre aux mois d’hiver. Les besoins biologiques pris en compte comprennent la tolérance thermique, les ressources en nourriture, la pression exercée par les prédateurs et l’éclosion de maladies.

La carpe de roseau possède une tolérance thermique étendue. À ce jour, des carpes de roseau adultes ont été capturées dans tous les Grands Lacs, à l’exception du lac Supérieur. La microchimie des otolithes nous apprend que les poissons prélevés dans les bassins du lac Érié et du lac Michigan ont survécu et hiverné au moins dans la partie sud de ces bassins. La survie dans les latitudes nordiques du lac Supérieur est moins certaine si l’on se fie à certains modèles climatiques.

Figure 2. Modélisation environnementale des niches prédisant l’étendue potentielle d’habitats adéquats pour la carpe de roseau dans la région des Grands Lacs (Wittmann et al. 2016). Les zones en rouge indiquent les habitats les plus adéquats, c’est-à-dire ceux dans lesquels l’espèce pourrait probablement survivre.

Les habitats et la nourriture sont disponibles en quantité suffisante partout dans les quatre Grands Lacs inférieurs pour permettre la survie et l’hivernage de la carpe de roseau.

Il est peu probable que la carpe de roseau soit vulnérable à la plupart des prédateurs durant très longtemps, en raison de sa longévité et de son taux de croissance rapide. La prédation de la carpe de roseau adulte dans les Grands Lacs proviendrait vraisemblablement de l’homme (p. ex. par la pêche récréative) et des grands oiseaux prédateurs, sa prédation par les poissons piscivores des Grands Lacs étant peu probable.

Elle pourrait être vulnérable à certaines maladies dans les Grands Lacs; il est toutefois peu probable que ces maladies aient une grande influence sur sa survie.

ÉTABLISSEMENT

L’évaluation de la probabilité d’établissement repose sur la présence d’une population autosuffisante, ce qui signifie une population qui s’est formée lorsque des individus ont frayé dans les Grands Lacs, puis s’y sont reproduits.

L’établissement de la carpe de roseau dans les Grands Lacs dépend de la disponibilité de frayères et d’habitats d’alevinage appropriés, d’un nombre suffisant d’individus pour assurer une croissance positive de la population, de l’atteinte du stock nécessaire pour que le recrutement soit efficace et de la survie aux premiers stades biologiques.

Dans les Grands Lacs, l’évaluation a permis d’arriver aux conclusions suivantes:

  • les conditions de frai sont adéquates dans jusqu’à 57 rivières du bassin des Grands Lacs;
  • de vastes étendues de zones humides sont présentes et fourniraient un habitat propice et une nourriture appropriée pour une population;
  • très peu de mâles et de femelles adultes sont nécessaires à l’atteinte d’une chance de succès du frai supérieure à 50 %.

 

  Supérieur Michigan Huron Érié Ontario
Établissement des diploïdes Faible Très probable Très probable Très probable Très probable
Établissement des triploïdes Très peu probable Très peu probable Très peu probable Très peu probable Très peu probable

Tableau 3. Probabilité des cotes d’établissement dans chaque lac pour les carpes de roseau triploïdes et diploïdes, 50 ans à partir de l’année de référence de l’évaluation du risque (2014). L’établissement a été évalué indépendamment des autres éléments du processus d’introduction; il suppose la présence manifeste d’une population autonome, qui se définit par la présence d’individus nés dans le bassin des Grands Lacs et qui s’y reproduisent par la suite.

PROPAGATION

Après son introduction dans un seul lac, la carpe de roseau pourrait se propager à d’autres lacs en 10 ans.

La propagation serait plus rapide dans les lacs Érié, Huron, Michigan et Ontario, et plus lente dans le lac Supérieur.

Figure 4. Coordonnées des embouchures d’affluents dans le bassin canadien des Grands Lacs propices au frai de la carpe asiatique (Mandrak et al. [en cours de rédaction]). Caractère propice : 0 – non propice; 1 – propice; 2 – hautement propice.
  Supérieur Michigan Huron Érié Ontario
Propagation de diploïdes Faible Faible Très probable Moyen Faible
Propagation de triploïdes Très peu probable Très peu probable Élevée Très peu probable Faible

Tableau 4. Probabilité de propagation (entre les lacs, p. ex., dans le lac Supérieur à partir des autres lacs) pour chaque lac et pour les carpes de roseau triploïdes et diploïdes, 50 ans à partir de l’année de référence de l’évaluation du risque (2014). La propagation est définie comme étant le déplacement des individus ou l’expansion des populations dans de nouvelles zones du bassin ou d’un autre lac; il ne faut pas confondre avec l’arrivée elle-même dans le bassin.

 

RÉPERCUSSIONS ÉCOLOGIQUES

La carpe de roseau est un poisson herbivore qui consomme de grandes quantités de plantes aquatiques. Dix carpes de roseau adultes par hectare peuvent à elles seules réduire la végétation des zones humides jusqu’à 50 %. Si plus de 15 poissons par hectare sont présents, la végétation des zones humides pourrait être réduite de plus de 50 %. On prévoit des répercussions importantes pour 33 espèces de poissons et 18 espèces d’oiseaux dans les Grands Lacs en raison de la réduction de la végétation et de l’habitat humide.

La carpe de roseau pose une menace écologique considérable pour les Grands Lacs, en raison de son comportement alimentaire agressif et du retrait de la végétation aquatique, engendrant la perte et la dégradation d’habitats affectant les espèces de poissons et d’oiseaux des zones humides.

RISQUE GLOBAL

Si aucune nouvelle mesure n’est prise, les carpes de roseau présentent un risque écologique global élevé pour les Grands Lacs, en particulier les lacs centraux, et les répercussions augmenteront au fil du temps. L’impact des carpes de roseau sur les Grands Lacs se rapporte directement à leur établissement. Par conséquent, il est essentiel de les empêcher de s’y établir.